Du SMIC au SMIG

11 février 1950 : le SMIG

Avec une heure de ce salaire minimum, le “smigard” pouvait à l’époque acheter 2 litres de lait, une place de cinéma ou encore 6 trajets en métro.

Basé sur une durée de travail de 45 heures par semaine, et fixé à 78 francs de l’heure à Paris.

Si on parle aujourd’hui du SMIC comme d’un acquis social, c’est parce qu’il s’est construit au fil des décennies sur des mobilisations, des débats politiques houleux, des reculs gouvernementaux, et parfois des nuits entières de négociation. Retour sur un combat encore trop méconnu.

1950 : l’instauration du SMIG, une réponse d’après-guerre

 

Le 11 février 1950, l’État crée le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). À l’époque, il ne s’agit pas encore de partager les fruits de la croissance, mais d’assurer le strict minimum vital à chaque travailleur. Ce seuil est calculé à partir d’un budget-type d’un ménage : en clair, de quoi se loger, se nourrir, se chauffer, et éviter l’extrême pauvreté.

Le projet de loi, intégré dans une réforme plus large sur les conflits collectifs du travail, est examiné dans un climat tendu au Conseil de la République : plus de 25 heures de débats, plus de 100 amendements discutés, et un vote final le 29 janvier 1950. Loin d’être unanime : les communistes, socialistes et républicains populaires votent contre, jugeant le dispositif trop faible.

Dès 1952, le SMIG est indexé sur les prix à travers une « échelle mobile », afin que les hausses de l’inflation n’annulent pas son pouvoir d’achat.

1968 : Grenelle, 35 % d’un coup

La grande secousse de mai 1968 va changer la donne. Face à un mouvement syndical massif, le Premier ministre Georges Pompidou signe les accords de Grenelle, qui contiennent notamment une hausse historique : +35 % sur le SMIG. On ne parle pas d’un petit rattrapage. On parle d’un geste politique fort pour calmer la colère des travailleurs. Et d’une preuve éclatante : quand le rapport de force est là, les salaires suivent.

1970 : le SMIC, version croissance

Le 11 janvier 1970, sous l’impulsion du ministre du Travail Joseph Fontanet, le SMIG laisse place au SMIC – Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance. L’idée ? Ne plus seulement suivre les prix, mais aussi la croissance de l’économie. En clair, faire en sorte que les travailleurs les plus modestes ne soient pas exclus des gains de productivité.

C’est un changement de paradigme. Le salaire minimum devient un levier de redistribution, pas juste un filet de sécurité.

1981 : le choc Mauroy

À peine arrivé à Matignon, Pierre Mauroy, nommé Premier ministre par François Mitterrand, annonce une hausse de 10 % du SMIC, applicable dès le 1er juin 1981. Un million de personnes sont concernées. Le SMIC mensuel passe à 2 900 francs. Un geste fort, là encore, qui marque une rupture avec les années Giscard.

1994 : le « SMIC jeune », ou l’erreur politique

Retour en arrière ? C’est ce que tente le gouvernement Balladur en 1994 avec la création du Contrat d’Insertion Professionnelle (CIP). Ce contrat, surnommé très vite le « SMIC jeune », prévoit de payer les moins de 26 ans en dessous du salaire minimum légal. Objectif affiché : favoriser leur insertion professionnelle.

Réaction immédiate : grève générale dans les lycées, manifestations massives, opposition syndicale ferme. Résultat : le décret est retiré. C’est une leçon : quand on touche au SMIC, on touche à une ligne rouge. Et la jeunesse, elle aussi, sait se battre quand il le faut.

 

Le SMI, une conquête toujours sous pression

Chaque 1er janvier (et parfois en cours d’année), le SMIC est revalorisé. Pas parce qu’on le demande gentiment, mais parce qu’il y a une loi, une formule, et un passé de lutte derrière. Le montant dépend à la fois de l’inflation (IPC des bas revenus) et de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire ouvrier (SHBOE).

Mais ne nous y trompons pas : chaque revalorisation est surveillée de près par les patrons, les technocrates et certains ministres qui trouvent toujours le moyen de dire que « ça coûte trop cher ».

Alors oui, le SMIC existe. Mais il faut encore se battre pour qu’il reste digne. Et pour rappeler que travailler à temps plein ne doit jamais rimer avec pauvreté.

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