Contexte historique
Georges Bidault, figure du Mouvement Républicain Populaire (MRP), est président du Conseil (équivalent de Premier ministre) de juin à décembre 1946, puis du 28 octobre 1949 au 24 juin 1950. C’est durant ce second mandat que le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) est instauré par la loi n°50-205 du 11 février 1950, publiée au Journal Officiel du 13 février 1950.
La France de 1950 est marquée par une inflation persistante, une dévaluation du franc (1948-1949), des pénuries héritées de l’après-guerre et des tensions sociales, notamment des grèves soutenues par la CGT et la CFTC. Le SMIG vise à protéger les travailleurs les plus vulnérables en garantissant un salaire minimum indexé sur un panier de biens de première nécessité (nourriture, logement, vêtements, transport).
Le rôle de Bidault et les débats
Bien que le SMIG soit adopté sous le gouvernement de Georges Bidault, ce dernier exprime des réserves. Selon ses mémoires (D’une résistance à l’autre, 1965) et des témoignages de l’époque, Bidault, pragmatique, craint que le SMIG n’alourdisse les charges des petites entreprises et ne rigidifie le marché du travail. Cependant, il soutient la mesure sous la pression politique de la coalition gouvernementale, notamment de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), et des syndicats.
Le ministre du Travail, Daniel Mayer (SFIO), joue un rôle déterminant. Plus à gauche que Bidault, Mayer défend ardemment le SMIG comme un outil de justice sociale, s’appuyant sur des études économiques et les revendications syndicales. Le SMIG est fixé à environ 17 000 francs par mois dans la zone de référence (Paris), un montant recalculé régulièrement par une commission ad hoc.
Une politique sociale influencée par la foi
Catholique fervent, Bidault s’inspire de la doctrine sociale de l’Église et se présente comme un humaniste au service des plus modestes. Il rejette l’étiquette de “technicien” et aspire à une politique sociale équitable, bien que son style de gouvernance soit critiqué pour son indécision, parfois qualifiée de “flottement” par son entourage.
Parcours de Bidault après le SMIG
Après son mandat de président du Conseil, Bidault occupe le poste de ministre des Affaires étrangères (1953-1954). Dans les années 1950-1960, il se radicalise en s’opposant à l’indépendance de l’Algérie. Accusé en 1961-1962 de liens avec l’OAS (Organisation Armée Secrète), il fuit en exil (Italie, puis Brésil) et est condamné par contumace. Gracié en 1968 sous de Gaulle, il rentre en France mais reste marginalisé. Il meurt en 1983, largement oublié, malgré son rôle clé dans le Conseil National de la Résistance (CNR), la création du SMIG et la fondation de la IVe République.
Sources
- Journal Officiel du 13 février 1950 (loi n°50-205), consultable sur Gallica (BnF).
- Archives du Conseil économique, avis n°5 – 1950 (Archives nationales, Pierrefitte).
- Biographie officielle de Georges Bidault, Vie-publique.fr (https://www.vie-publique.fr/biographie/272303-georges-bidault).
- Daniel Mayer, Les années d’après-guerre, éd. Le Seuil.
- François Broche, Les années Bidault (entretien, 1982).
- Archives INA : discours de Bidault sur le SMIG (février 1950).
- Georgette Elgey, Histoire de la IVe République, pour le contexte politique.